Communiqué du 03 mars 2023
Quels enjeux pour l’avenir ? L’agence de l’eau publie les résultats d’une nouvelle étude sur les débits du Rhône, fleuve le plus puissant de France et qui offre actuellement une ressource en eau relativement abondante. Avec le changement climatique, l’évolution des débits d’étiage du fleuve à l’horizon 2055 devient une préoccupation collective. Les débits d’étiage moyens ont déjà diminué de 7 % à la sortie du Léman et de 13 % à Beaucaire, en Camargue. Et les projections climatiques estiment une baisse de l’ordre de 20 % supplémentaires des débits moyens d’été à Beaucaire.
Après une première étude sur la ressource en eau du Rhône en période de basses eaux conduite en 2014, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, en partenariat avec la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes, publie les résultats d’une nouvelle étude sur les débits du fleuve sous changement climatique. Deux années ont été nécessaires (2021 et 2022) pour connaître précisément la part des prélèvements d’eau actuels par rapport aux débits du fleuve, les variations possibles des débits à l’horizon 2055 sous l’influence des évolutions climatiques et leur éventuel impact sur les usages et les milieux aquatiques liés à l’eau du fleuve.
« Le Rhône accueille sur ses rives un quart de la population et des emplois du bassin Rhône- Méditerranée, et génère un quart de la production électrique du pays, précise Martial Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée. C’est aussi une ressource pour de nombreux autres usages comme la navigation, l’alimentation en eau potable, l’irrigation agricole, les activités industrielles, ou les usages récréatifs. Nous avions besoin de données solides pour alimenter les débats sur les usages possibles de l’eau du fleuve.
Le fleuve Rhône n’est pas inépuisable
Avec une longueur de 810 km et un bassin versant d’une superficie de 98 400 km2, le Rhône fait partie des grands fleuves européens. A son embouchure, son débit moyen est de 1700 m3/s ce qui en fait le fleuve français métropolitain le plus puissant et le plus abondant. Mais il est, lui aussi, impacté par le changement climatique et cela devrait s’aggraver.
Sur le bassin du Rhône, les effets du changement climatique se font déjà sentir. Il fait plus chaud et plus sec que dans les années 60. La température moyenne de l’air a augmenté de 1,8°C sur la période 1960-2020. Ce réchauffement est plus marqué sur certains secteurs, en particulier en rive droite du fleuve et durant l’été, avec par exemple +3,6°C en Ardèche. Les précipitations neigeuses sont plus faibles et la quantité de neige a diminué de 10 % en moyenne en raison du réchauffement de l’air.
L’eau du fleuve Rhône s’est également réchauffée. Depuis 1970, la température moyenne de l’eau a augmenté de 2,2°C au nord à 4,5°C au sudsous l’effet conjugué de l’élévation de la température de l’air et de l’implantation de centrales nucléaires de production d’énergie.
Les sols s’assèchent davantage, en moyenne annuelle de +18 % à +37 % selon les secteurs depuis 1960, ce qui réduit leur possible contribution au soutien des débits du fleuve. Cet assèchement s’observe davantage en rive droite du fleuve, en aval de la confluence avec la Saône, et surtout en été.
En conséquence, les débits d’étiage moyens du Rhône ont diminué ces 60 dernières années, de 7 % à la sortie du Léman et de 13 % à Beaucaire, en Camargue, entre 1960 et 2020.
Et les projections climatiques estiment une baisse de l’ordre de 20 % supplémentaires des débits moyens d’été à Beaucaire dans les 30 prochaines années.
La baisse des débits d’étiage sera même beaucoup plus forte sur certains affluents du Rhône, de l’ordre de 40 % en moyenne pour l’Isère et 30 % pour la Drôme et la Durance.
A proximité de l’embouchure du Rhône, la part des volumes d’eau prélevés dans le fleuve au plus fort de l’été représente actuellement 15 % de son volume d’écoulement. Sans avoir à ce stade d’incidence significative pour l’équilibre écologique du fleuve, cette valeur n’est pas négligeable et traduit le fort niveau de sollicitation par les usages préleveurs.
Cette part d’eau prélevée a déjà pu dépasser les 30 % pour les périodes exceptionnellement sèches comme au printemps 2011. Cette situation rarement observée (2 années sur 30) pourrait devenir fréquente dans les prochaines décennies (6 années sur 30), et certaines années, dépasser les 40 %.
« Le Rhône restera à moyen-terme un fleuve puissant, avec des débits en général élevés, mais il n’échappe pas à la question du partage de la ressource en eau, indique Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. Sous l’effet du réchauffement climatique, le fleuve Rhône ne peut plus être géré comme une ressource inépuisable. C’est l’un des principaux enseignements de cette étude. La recherche de pratiques plus sobres et la lutte contre les gaspillages sont utiles pour l’avenir.
De nombreux usages dépendants du Rhône devront intégrer la baisse des débits estivaux
L’avenir du Rhône se prépare. Il importe dès aujourd’hui de réfléchir à des stratégies spécifiques afin de rendre les usages du fleuve moins tributaires des situations de plus faible écoulement, l’été notamment. Les producteurs d’énergie sont concernés. La baisse des débits en été conjuguée au réchauffement de l’eau génèrera des contraintes de fonctionnement accrues pour les centrales nucléaires à circuit de refroidissement ouvert, pour respecter les limites règlementaires encadrant leurs rejets d’eaux de refroidissement. Cette baisse devrait également se traduire par une diminution du productible théorique en été des centrales hydroélectriques installées au fil de l’eau.
Au niveau de l’embouchure du fleuve, avec moins d’apport en eau du Rhône, la remontée du coin salé, intrusion d’eau salée dans le fleuve, en période de basses eaux pourrait plus fréquemment poser un problème pour la production d’eau potable et l’irrigation des territoires situés dans le delta du Rhône.
Enfin, avec des débits plus faibles et une eau plus chaude, la biodiversité aquatique du Rhône sera fragilisée. Pour l’aider à s’adapter, une solution est de renaturer le fleuve et d’améliorer la circulation des sédiments grâce à la plantation de ripisylve, la diversification d’habitats ou d’écoulement et la reconnexion du fleuve avec sa nappe alluviale ou ses zones humides annexes.