La Méditerranée, une mer fragile mais bien vivante !

Actualité du 22 juin 2023

L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse soutient un vaste dispositif de surveillance de la qualité écologique et chimique de la mer ainsi que des pressions qui s’y exercent. L’analyse des données 2020-2022 indique une situation plutôt stable en comparaison des années précédentes avec une bonne qualité générale des eaux côtières.

L’état des habitats marins côtiers, et en particulier la vitalité des herbiers de Posidonie et du coralligène, des populations animales, la contamination des poissons par les pollutions sur la côte et au large, le suivi des microplastiques, ou encore de la température des eaux côtières, sont autant d’indicateurs qui permettent d’établir une cartographie de l’état de santé du milieu marin.

Afin de partager ces connaissances avec les acteurs du littoral et d’évoquer les ambitions pour demain, pour préserver et restaurer la Méditerranée, l’agence de l’eau a organisé une journée d’échanges, le 22 juin à Marseille.

Parce que l’on protège mieux ce que l’on connaît bien, l’agence de l’eau finance des dispositifs de surveillance des eaux de la Méditerranée. La dernière acquisition de données porte sur la période 2020-2022.

Cadmium, mercure, plomb, microplastiques… des pollutions sous surveillance


Avec plus de 90 % des eaux en bon état, l’état chimique des eaux côtières est conforme aux obligations européennes de la Directive cadre sur l’eau et de la Directive cadre stratégie pour le milieu marin. Aucune évolution n’est observée entre la campagne de surveillance de 2018 et celle de 2021.
Les concentrations mesurées sont basses ou très basses pour des molécules comme le cadmium (Cd), le mercure (Hg), le plomb (Pb), le dichloro-diphényle-trichloro-éthane (DDT), les polychlorobiphényles (PCB) ou les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), sauf pour quelques stations situées au droit des grandes agglomérations (Marseille, Toulon) ou à l’embouchure de certains fleuves côtiers comme le Rhône et le Var, sans toutefois dépasser les normes de qualité environnementale. Les 10 % de la surface des eaux côtières déclassées car au-dessus de ces seuils, le sont à cause de concentrations trop importantes en PCB, comme par exemple le pyralène (dérivé chloré qui sert notamment d’isolant électrique dans les transformateurs) ou en TBT (molécule biocide utilisée dans les peintures antisalissures pour les coques des bateaux). Ces molécules ont notamment été détectées en 2021 sur le littoral de Villefranche-sur-Mer et le littoral de Figari.
Concernant les pollutions en microplastiques, les 42 stations de surveillance indiquent une présence avérée pour 95 % d’entre elles. Les secteurs les plus touchés sont Bonifacio, le delta du Rhône et Menton. Toutefois, on observe une baisse de 86 % de la densité de plastique entre 2012 et 2021 dans les calanques de Marseille, les Embiez, la rade de Toulon, le golfe de Saint-Tropez, la rade d’Antibes, la rade de Villefranche-sur-Mer, Figari et Rogliano, sans toutefois pouvoir l’expliquer à ce stade.

Etat de santé stable pour les habitats marins

L’état de santé des Posidonies est identique à celui observé en 2018 avec 11 % de surface d’herbiers de Posidonie détruite et 76 % des surfaces restantes en bonne vitalité à l’échelle de la façade littorale.
Dans le détail, on observe une perte importante d’herbiers en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, liée à l’impact des ancres des navires de plaisance. La réglementation entrée en vigueur au cours de l’été 2021 a toutefois porté ses fruits avec une baisse de 70 % des mouillages sur l’herbier. Ce bon résultat coïncide avec des observations de repousses de posidonie dans des secteurs proches des zones de rejets urbains d’eaux usées où la qualité de l’eau s’est améliorée, comme à Mandelieu, Fabregas, au Cap Bénat et à Cavalière.
Quant au coralligène, 56 % des surfaces sont altérées à cause des activités récréatives telles que la plongée sportive et la pêche professionnelle et amateur, mais aussi des ancres des navires.
Les peuplements en macroalgues en zone infralittorale sont en bon état pour 85 % d’entre eux avec des améliorations en Occitanie du côté de Banyuls et d’Agde. Le phytoplancton des eaux côtières est en bon état partout et 88 % des invertébrés vivant sur le fond sont en bonne santé.

25 % de baisse de l’abondance des poissons juvéniles

La densité de populations de poissons reste identique, excepté pour les juvéniles de poissons dont l’abondance a baissé en moyenne de 25 % ces deux dernières années. En ce qui concerne les populations adultes, une étude a été menée pendant la crise COVID de mars à juin 2020, sur une période pendant laquelle il n’y avait pas d’activités maritimes en mer. Elle montre que 30 % de poissons supplémentaires sont revenus avant que la reprise des activités signe le retour à la situation antérieure. Le bruit généré par les activités maritimes impacte donc l’état et le fonctionnement du milieu marin côtier.
• La hausse des températures de l’eau, effet du changement climatique
La surveillance de la température des eaux côtières et des anomalies telles qu’une température plus chaude, dans une zone plus profonde ou sur une durée plus longue, permet de mesurer les effets du changement climatique sur l’état écologique du milieu marin. Les données 2020- 2022 sont encore en cours d’exploitation, mais les premiers résultats mettent en évidence une zone particulièrement touchée par la hausse des températures, qui s’étend du littoral de la côte bleue, à l’ouest de Marseille, jusqu’à la rade d’Hyères. Le fonctionnement hydrodynamique de ce secteur moins propice aux renouvellements des eaux côtières ainsi que l’absence de période de vents soutenus durant l’été 2021 pourraient expliquer cette situation. Ces eaux trop chaudes ont entrainé la mortalité massive de gorgones rouges et dans une moindre mesure d’éponges marines. Pour le reste du littoral, aucune ou très peu de mortalité n’a été signalée.

100 M€/ an d’aides de l’agence de l’eau pour la mer

Le programme d’intervention de l’agence de l’eau mobilise chaque année, en moyenne, 100 M€ de financement sur le littoral en faveur de la protection de la Méditerranée. Depuis 2019, l’agence a investi 135 M€ pour lutter contre la pollution domestique et industrielle et 60 M€ pour désimperméabiliser les sols et déconnecter les eaux de pluie des réseaux d’assainissement afin de réduire les pollutions à la mer en provenance de l’ensemble du bassin du fleuve Rhône et des fleuves côtiers.
La restauration de la biodiversité et l’installation de nurseries portuaires concernent 29 opérations pour 1,5 M€ d’aide. La réduction de l’impact des mouillages sur les écosystèmes marins dont notamment l’herbier de Posidonie a concerné 12 opérations pour 4,5 M€, essentiellement pour des études de définition de zones de mouillages et d’équipement légers (ZMEL). L’agence a également mis à disposition de la Préfecture maritime de Méditerranée les données acquises par les dispositifs de surveillance des habitats côtiers.

Des ambitions plus larges

En ce qui concerne les eaux du large, les dispositifs de surveillance sont encore rares. Seules exceptions, l’évaluation de l’eutrophisation (développement d’algues) qui s’appuie sur l’imagerie satellitaire et dont les résultats montrent l’absence de ces phénomènes en Méditerranée, ainsi que l’accumulation des contaminants dans la chair des poissons. Les concentrations en mercure sont au-dessus des normes de qualité environnementale pour les poissons de fonds comme la roussette et le rouget dans le golfe du Lion et le sébaste, la roussette, le rouget et le merlu sur la côte Est de la Corse. Toutefois, ces concentrations sont inférieures aux normes sanitaires qui conditionnent la consommation des poissons.
En haute mer, le renforcement des dispositifs de surveillance nécessaire pour répondre aux obligations européennes est en marche. L’agence de l’eau prendra part au financement de nouveaux besoins de connaissance.
La fin du 11ème programme d’intervention de l’agence (2019-2024) et son 12ème programme (2025-2030) en cours de préparation marqueront en effet une étape supplémentaire quant à l’implication de l’agence vis-à-vis de la Méditerranée. D’ores et déjà, son périmètre de compétences a été étendu de 2 à 400 kilomètres des côtes. « Dans le prolongement du travail réalisé pour les milieux continentaux et en lien avec les nouveaux enjeux du changement climatique et des pollutions émergentes, notre intervention au large permettra d’identifier les actions à mener en haute mer pour continuer à améliorer la qualité des milieux et à protéger la biodiversité », témoigne Laurent Roy, directeur général de l’agence Rhône Méditerranée Corse.
En particulier, l’agence a été mandatée pour gérer les nouveaux fonds Biodiversité éolien en mer, intégrés au programme national de développement des énergies renouvelables qui prévoit d’autoriser huit vastes parcs éoliens marins en France, dont 2 en Méditerranée. Les futurs exploitants de ces parcs éoliens seront tenus d’alimenter ces fonds pour financer des missions de connaissance et de protection de la biodiversité dès l’année prochaine.
D’autre part, dans son nouveau Plan de bassin d’adaptation au changement climatique, dont une première version sera dévoilée cet été, l’agence met aussi en exergue les solutions pour faire face aux nouveaux défis : submersion marine, salinisation des nappes phréatiques, augmentation des risques de pollution par temps de pluie, perte de la biodiversité, dysfonctionnement des milieux… Car une Méditerranée en bonne santé est plus résiliente face aux effets du changement climatique et source de bienfaits pour tous. Raison pour laquelle l’agence de l’eau souhaite renforcer sa politique d’aides en faveur de la Méditerranée sur trois axes d’action phares : amélioration continue des systèmes d’assainissement terrestres, non dégradation et restauration écologique des fonds côtiers.