Actualité du 06 novembre 2024
L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse publie son nouveau rapport sur l’état des eaux, fruit de l'analyse de plus de 6,5 millions de données annuelles collectées sur les rivières, les eaux souterraines et les lacs des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse. En Rhône-Méditerranée, 48 % des rivières sont en bon état écologique et 85 % des nappes souterraines affichent un bon état chimique. En Corse, 91 % des cours d’eau et toutes les nappes sont en bon état.
Ces résultats, évalués grâce à une surveillance en constante progression, notamment sur les micropolluants, permettent d’informer l’ensemble des acteurs et citoyens et de guider les actions en faveur d'une meilleure gestion de l’eau, ressource vitale pour nos écosystèmes et nos territoires.
>> Téléchargez le rapport 2024 sur l'état des eaux des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse
8 fois plus de paramètres mesurés depuis 30 ans
Des eaux en bon état, c’est-à-dire en qualité et en quantité suffisantes, sont essentielles au bon fonctionnement des milieux aquatiques, à la préservation de la biodiversité, et pour satisfaire durablement les usages humains.
Pour diagnostiquer l’état des eaux des rivières, lacs et nappes d’eau souterraines, l’agence de l’eau met en œuvre un important programme de surveillance environnementale avec la contribution de l’Office français de la biodiversité.
Ainsi, chaque année, 1400 paramètres chimiques et biologiques sont mesurés dans les eaux des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse. C’est 8 fois plus qu’il y a 30 ans lorsque la surveillance a démarré. En Rhône-Méditerranée, il existe 807 stations de mesure en rivière (48 en Corse) et 898 stations de mesure dans les eaux souterraines (18 en Corse) dans lesquelles sont prélevés les échantillons d’eau qui sont analysés par des laboratoires agréés.
Chaque année, ce travail d’analyse s’enrichit et s’affine. En 2024, ce sont 6,5 millions de données qui ont été recueillies et exploitées. Au global, l’agence de l’eau investit annuellement 10 millions d’euros pour coordonner et mettre en œuvre ce programme de surveillance avec ses partenaires.
L’ensemble des données recueillies dans le cadre de ce programme est mis à disposition du public, des acteurs de l’eau comme de la sphère scientifique pour orienter les actions en faveur du bon état.
48 % des rivières en bon état dans le bassin Rhône-Méditerranée, 91% en Corse
48 % des cours d’eau du bassin Rhône-Méditerranée sont en bon ou très bon état écologique, 91 % pour le bassin de Corse. L’état de santé des cours d’eau est fortement lié au degré d’anthropisation des bassins. Le bon et le très bon état sont principalement rencontrés dans les régions montagneuses (Alpes, bordure du Massif Central, Corse), alors que les états dégradés sont principalement situés dans les plaines agricoles et dans les zones les plus densément peuplées (plaine de la Saône, arc méditerranéen).
Pour les eaux souterraines, 85 % des nappes sont en bon état chimique pour le bassin Rhône-méditerranée et 100 % pour le bassin de Corse. Comme pour les eaux superficielles, l’état médiocre se concentre dans les zones agricoles et les plus densément peuplées du bassin Rhône-Méditerranée.
Globalement, la qualité des eaux s’améliore sur bon nombre de paramètres et les progrès sont visibles sur les dernières décennies. La quantité de pollution organique dans les rivières a en moyenne été divisée par 20 pour l’ammonium depuis 1990. Ces résultats sont à mettre à l’actif d’une politique volontariste d’amélioration des systèmes d’assainissement des eaux domestiques, fortement soutenue par l’agence de l’eau et les services de l’État.
Cette amélioration de la qualité physicochimique profite à la biodiversité, dont la preuve est la présence stable des invertébrés, des diatomées et des poissons même si elle peut fluctuer en fonction des conditions hydro climatiques comme en 2023 où la sécheresse sévère a impacté la vie aquatique.
Quant à certains micropolluants organiques, leur impact toxique dans l’environnement a été divisé par 4 entre 2008 et 2023 sous l’effet de la mise en place de normes de rejets, de politiques contractuelles avec les acteurs économiques (contrats de branche) en faveur de la baisse des émissions de ces substances mais aussi de l'amélioration continue de leur traitement par les stations d'épuration.
Mais les défis restent énormes pour enrayer les pollutions de toutes origines, que ce soit par les pesticides ou des pollutions émergentes comme les PFAS que l’on détecte mieux grâce à l’amélioration des techniques analytiques.
Les micropolluants sous surveillance
La surveillance environnementale mise en place au niveau des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse a permis d’identifier un très grand nombre de micropolluants dans les rivières et les eaux souterraines. L’acquisition de longues chroniques, grâce à la pérennité des suivis, permet d’alerter la puissance publique sur la présence de substances dont l’impact sur notre santé et l’environnement mérite d’être évalué. Pour ces substances, qui ne disposent pour la majorité d’entre elles d’aucune norme de qualité environnementale, l’amélioration progressive des connaissances de leur comportement dans l’environnement et de leur toxicité permettra la définition de normes et la mise en place des mesures nécessaires pour protéger la population et notre environnement.
En 2023, sur les 1 400 paramètres analysés dans les eaux des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse, 706 produits de synthèse ont été détectés au moins une fois dans les cours d’eau (356 dans les eaux souterraines), dont la moitié sont des pesticides. Dans la grande majorité des cas, les rivières ne sont pas plus polluées qu’avant mais l’amélioration de la capacité de détection fait apparaître des nouveaux polluants qui ne sont donc pas intégrés à l’évaluation de l’état des eaux, faute de normes environnementales.
Depuis 2015, l’agence de l’eau suit 159 polluants "d’intérêt émergent" dans le milieu. Il s’agit de substances pharmaceutiques, de stéroïdes, d’hormones, de stimulants, de cosmétiques. Parmi ces substances, plus de 130 sont présentes dans les cours d’eau des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse, rejetées principalement dans les excréta (urine, fèces) des humains et des animaux domestiques et dont le traitement dans les stations d’épuration n’est souvent que partiellement efficace.
Certains cours d’eau cumulent un grand nombre de substances. C’est le cas de petits cours d’eau situés dans les zones viticoles du bassin (Bourgogne notamment), où les pesticides sont la principale source de contamination. Ils sont également situés à l’aval de grandes agglomérations (Dijon, Marseille, Nîmes) où les métaux, hydrocarbures, médicaments et autres micropolluants organiques sont issus des rejets des stations d’épuration.
Les zones montagneuses du bassin Rhône-Méditerranée ainsi que la Corse sont relativement épargnées par ce type de pollution.
Concernant spécifiquement la famille des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), largement utilisés dans l’industrie pour des produits de consommation courante, le bassin Rhône-Méditerranée compte 4 des 5 sites de production français, dans le Rhône, le Jura et le Gard.
En 2023, ces substances ont été détectées au moins une fois dans 71 % des stations en rivière et 50 % des stations en eaux souterraines. Peu biodégradables, ces substances parfois appelées « polluants éternels » se situent à l’aval des grosses agglomérations du bassin où leur présence dans l’eau peut avoir diverses origines : rejets industriels, rejets urbains, utilisation de mousses anti-incendie à proximité des aéroports, etc. C’est le cas notamment de Dijon, Nîmes, Marseille, Aix-en-Provence, Toulon, Fréjus. Concernant le Rhône à l’aval de Lyon, les concentrations sont diluées du fait du débit du fleuve. Sa nappe d’accompagnement est néanmoins contaminée par migration des polluants des eaux superficielles vers les eaux souterraines.
On retrouve également de fortes concentrations à l’aval de sites industriels produisant ou utilisant des PFAS, actuellement ou par le passé, tels que Salindres (30), Oullins Pierre-Bénite (69) et Rumilly (74).
Une autre source, encore peu documentée, pourrait être l’épandage de certains pesticides qui se dégradent en métabolites persistants appartenant également à la famille des PFAS.
L’impact de l’ensemble de ces pollutions sur les milieux aquatiques est d’autant plus fort sur les rivières dont le cours naturel est perturbé par des aménagements ou des prélèvements excessifs.
L’ensemble de ces altérations, souvent cumulées, rendent les rivières plus sensibles aux effets du changement climatique : augmentation des températures de l’eau, baisse des débits estivaux qui réduit la dilution des polluants…. Cela se traduit concrètement par des espèces aquatiques fragilisées et dans les cas les plus graves, par leur disparition. Ces altérations peuvent également compromettre l’alimentation en eau potable, à partir des cours d’eau ou des nappes souterraines, ainsi que les activités économiques et récréatives qui dépendent de ces milieux.
Des solutions pour agir
Reconquérir le bon état des eaux suppose de restaurer durablement l’ensemble des paramètres physico-chimiques et biologiques qui caractérisent un milieu aquatique en bonne santé. Cela nécessite d’agir sur l’ensemble des causes de dégradations en mobilisant tous les acteurs du territoire. Cette gestion intégrée des milieux aquatiques doit être pensée et mise en œuvre à l’échelle d’un bassin-versant ou de l’aire d’alimentation d’une nappe souterraine, dans le cadre d’une solidarité amont-aval, pour couvrir l’ensemble des enjeux.
C’est pourquoi l’agence de l’eau soutient les actions nécessaires à la restauration du bon état, l’élaboration et la mise en œuvre de plans d’actions et de contrats pluriannuels, multithématiques et concertés, associant plusieurs partenaires, pour atteindre le bon état des eaux.
Concernant spécifiquement la pollution aux PFAS, la Préfète coordonnatrice du bassin Rhône-Méditerranée pilote une task force pour identifier et surveiller les zones concernées, et déployer des mesures de réduction des pollutions et de remédiation.