Méditerranée : 88 % des eaux côtières françaises sont en bon état chimique

Actualité du 05 juillet 2019

Dans les années 1980, on pouvait légitimement craindre la mort à court-terme de la Méditerranée, étouffée par les rejets polluants. Aujourd’hui, son état de santé s’améliore mais les efforts doivent se poursuivre.

C’est le résultat des actions engagées par les collectivités littorales toujours plus nombreuses à s’investir, comme Nice ou Marseille qui ont considérablement réduit les apports de polluants à la mer, ou Agde qui gère les mouillages au large de ses côtes afin de ne pas abîmer l’herbier de Posidonie.
Le 4 juillet à Marseille, l’agence de l’eau a organisé un colloque sur la reconquête de la Méditerranée qui a réuni une centaine de personnes - élus et structures de gestion de la zone littorale en tête - venues s’informer sur l’état de santé de la mer et les actions possibles pour préserver et restaurer les écosystèmes marins.

Des eaux de bonne qualité générale mais des secteurs toujours sous l’emprise des pollutions chimiques et des traces de pollution dans les eaux du large

La lutte contre la pollution des eaux usées urbaines et industrielles a permis de réduire considérablement la quantité de pollution se déversant dans les eaux côtières1. On compte aujourd’hui plus de 250 systèmes d’assainissement sur la zone littorale dont 60 en rejet direct en mer. C’est 15 fois plus que dans les années 80 et la capacité de traitement des stations d’épuration a été multipliée par 10.
88 % des eaux côtières sont en bon état chimique2 et 84 % sont en bon état écologique3. Quant aux eaux de baignade, elles sont conformes aux normes sanitaires pour 95 % d’entre elles. C’est le résultat d’une mobilisation technique et financière forte.
A titre d’exemple, dans le cadre du contrat de baie et du contrat d’agglomération de Marseille, l’agence de l’eau a financé plusieurs opérations de réduction ou prévention des pollutions en mer. En particulier, elle a financé la construction du bassin Ganay de rétention des eaux de pluie d’une capacité de 50 000 m3 à l’entrée de la station d’épuration Geolide. En lissant les apports à la station, cet ouvrage permet de réduire les rejets en mer lors des violents orages. En 2018, les volumes d’eaux brutes non traités rejetés dans les calanques ont diminué de moitié, représentant un volume d’environ 1 million de m3, ce qui a contribué à la réduction des flux polluants à Cortiou. Au global, 110 millions d’euros ont été investis en 6 années par la Métropole avec une aide d’environ 35 millions d’euros de l’agence de l’eau.

Du côté du littoral Niçois, la problématique est identique avec une forte concentration de population sur le littoral. Afin d’améliorer la qualité des eaux de baignade à Nice, Cagnes sur Mer ou st Laurent du Var, la Métropole de Nice, la DDTM 06 et l’agence de l’eau ont signé un contrat multi-thématiques 2014-2018. D’un montant global d’environ 100 millions d’euros d’opérations réalisées, dont 65 M€ dédiés à l’assainissement (dont 14 M€ d’aides de l’agence de l’eau) il avait pour objectif de lutter contre les pollutions domestiques en améliorant la connaissance et le fonctionnement des systèmes d’assainissement par temps de pluie ou en repensant le système d’assainissement de Nice Haliotis pour le transformer en station d’épuration « nouvelle génération », valorisant les boues pour la production de biogaz dans le cadre d’une économie circulaire.
Plus à l’ouest dans les Pyrénées-Orientales, la communauté de communes Albères Côte Vermeille Illibéris a remplacé l’émissaire en mer de Port-Vendres par un nouvel ouvrage intégré au littoral afin d’améliorer la qualité de l’eau et des habitats marins. Cet ouvrage d’1,5 million d’euros, financé par l’agence de l’eau, le Département et la Région, permet de ne pas toucher les fonds rocheux, riches en biodiversité, de ne pas dénaturer la côte et de rejeter les effluents loin des secteurs à fort enjeu environnemental comme les herbiers de posidonies.

Si la surveillance des eaux marines montre un état du littoral conforme aux normes européennes, quelques secteurs restent altérés notamment au droit des grandes agglomérations littorales et portuaires telles que la rade de Marseille, de Toulon, d’Antibes ou de Villefranche, touchées notamment par des pollutions au tributylétain (TBT) issu des peintures antisalissures des bateaux.
Le mercure d’origine industrielle est toujours présent dans le golfe de Fos sur Mer ou dans la rade de Toulon, des sites contaminés historiquement. En outre, 12 rejets industriels traités subsistent en zone côtière (contre 120 auparavant) dont le plus important est celui d’Alteo dans les Bouches-du-Rhône.
L’agence de l’eau a aidé l’industrie Alteo à mettre en place des traitements pour filtrer ses effluents et depuis 2015, les "boues rouges", effluents solides, ne sont ainsi plus rejetées en mer. En mars 2019, une station, également subventionnée par l’agence, a été inaugurée pour épurer les rejets en mer des métaux qu’ils contenaient. Mais il reste encore des polluants « classiques », pour lesquels une autre station d’épuration industrielle devra être mise en place.
Les pesticides se retrouvent encore régulièrement au droit du littoral de Leucate, du golfe de Fos et de l’embouchure du Var, mettant ainsi en évidence les apports des cours d’eau côtiers à la mer.
Enfin, les mammifères marins de Méditerranée présentent des traces de contaminations par les phtalates à cause de l’ingestion de microplastiques. Certains poissons mais aussi des crustacés concentrent aussi des contaminants comme le mercure ou le cadmium. Un constat qui montre la contamination de la chaine trophique et la nécessité de mieux appréhender et de réduire les contaminants émergents tels que les microplastiques et les médicaments.

Des habitats côtiers et des espèces mieux connus mais sous pressions grandissantes

Considérée comme un point chaud de biodiversité regroupant 18 % d’espèces animales et végétales mondiale, la Méditerranée est une mer fragile et à protéger.
Aujourd’hui, les habitats marins côtiers sont bien connus. L’herbier de Posidonie et le coralligène présentent un bon état général exceptées les zones historiquement dégradées telles que le littoral des grandes agglomérations et les pôles industrialo-portuaires. La reconquête des herbiers de Posidonie s’observe même au droit des zones de rejets urbains de la calanque de Cortiou (Marseille) et de Cap Sicié (Toulon) grâce aux efforts d’amélioration du traitement des eaux usées.
Pour autant, on estime que 10 % de la surface des herbiers de posidonie a disparu ces 100 dernières années. En cause notamment, l’augmentation des loisirs maritimes et plus particulièrement le mouillage des bateaux de plaisance en raison des ancres et des chaînes qui raclent les fonds marins.
La protection de l’herbier est une priorité, sous peine de disparition définitive de ce « poumon» de la mer qui produit de l’oxygène en grande quantité et abrite environ 20 % des espèces animales et végétales. Son maintien est essentiel car en empêchant l’érosion du littoral, l’herbier est un rempart contre les effets du changement climatique dans la zone côtière.
D’où l’action de préservation initiée par le Parc national de Port-Cros (Var) au niveau de la passe de Bagaud, très fréquentée par les plaisanciers. Dès 2020, le mouillage sera interdit sur les 175 hectares de la passe. Soutenu par l’agence de l’eau, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’Europe, le parc installera chaque année de mi-avril à mi-octobre une zone de mouillages et d'équipements légers comportant 65 bouées d’amarrage à ancrage écologique.

La ville d’Agde (Hérault) développe également les mouillages écologiques : une quarantaine de bouées délimitent une zone où bateaux et jets ne circulent que pour s’y amarrer et à moins de 5 nœuds. Cette zone a été définie à partir d’études de fréquentation et de suivis scientifiques.

Accélérer la reconquête des secteurs abîmés à l’aide de la restauration écologique

L’amélioration des connaissances et l’efficacité des actions de lutte contre la pollution donnent aujourd’hui la possibilité d’accompagner la reconquête des secteurs abimés en engageant des actions de restauration des fonctions écologiques altérées comme la fonction nurserie ou habitat.
L’agence de l’eau soutient le projet Rexcor en partenariat avec le Parc des Calanques (Bouches-du-Rhône) qui a installé des récifs artificiels dans les fonds de la calanque de Cortiou, à proximité de Marseille. Les animaux fixés, les éponges et les algues se réinstallent, en quantités différentes selon la proximité avec la zone de rejet de la ville. 58 espèces de poissons ou de crustacés sont identifiées dont le homard, la langouste ou le mérou gris. Un million d’euros a été mobilisé pour ce projet dont 70 % financés par l’agence de l’eau.

Autre exemple, depuis 2015 l’institut Paul Ricard sur l’Ile des Embiez (Var) a lancé un programme de restauration des petits fonds côtiers sur les 42 hectares de la lagune du Brusc. Ayant constaté de fortes régressions des herbiers de cymodocée, qui servent de nurseries pour les post-larves de poissons, l’institut a transplanté des boutures issues de zones où l’herbier est en meilleur santé. Par ailleurs, dans les ports, bétonnés, où les post-larves peinent à trouver des abris, la fonction de nurserie a été rétablie grâce à des habitats artificiels. Résultat : la densité de l’herbier transplanté a été multipliée par 1,4 à 3,7 en 3 mois avec une augmentation de la population de poissons dans ces zones. Ce projet SarLab a bénéficié d’une aide de l’agence de l’eau de 650 000 euros.
Le Cap d’Agde (Hérault) vient, quant à lui, d’immerger 32 récifs artificiels en 3D dans l'aire marine protégée de la côte agathoise. Récif’Lab représente un nouveau type d’habitats pour la faune, aux formes proches de leurs équivalents naturels grâce à une impression 3D. Cela permettra de faire baisser la pression sur les sites les plus fragiles : 20 ou 30 plongeurs se trouvent parfois sur une seule « patate » de coralligène !

En Corse, la mise en place des dispositifs de nurseries artificielles et d’abris type « biohut » dans les ports de Bonifacio et de Saint Florent contribue à restaurer les fonctionnalités écologiques des petits fonds rocheux et sableux qui ont été dégradés par la construction d'aménagements côtiers. En protégeant les post-larves et les jeunes recrues des prédateurs, les biohut favorisent l'accroissement de la population adulte.
La meilleure connaissance du fonctionnement des petits fonds côtiers qui s’engage offre de nouvelles perspectives pour agir en Méditerranée et améliorer l’efficacité des méthodes et des outils de restauration.

L’agence de l’eau poursuit son action en faveur de la Méditerranée

Sur la période 2013 – 2018, l’agence de l’eau a investi près de 100 M€ par an pour la Méditerranée dont près de 70 % pour lutter contre la pollution et 20 % pour restaurer les zones humides littorales et les fonctions écologiques du milieu marin. Les 10 % restants vont à la connaissance et la surveillance.
Le nouveau programme d’intervention 2019 – 2024 maintient ses moyens pour préserver et restaurer les écosystèmes marins.
« Nous allons tout d’abord développer la connaissance des milieux marins. Parce qu’ils sont plus vastes, mobiles et profonds que les milieux continentaux, l’impact biologique des différentes perturbations reste à approfondir. La deuxième priorité est de réduire les pollutions par temps de pluie et de favoriser l’installation de zones de mouillages adaptées pour préserver les herbiers de Posidonie sur 25% de la surface soumises à des dégradations par les ancres de bateaux. Enfin, maintenant que la qualité de l’eau s’est améliorée, il faut faciliter la restauration des milieux marins et aider la nature à reconquérir le terrain » indique Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse.

1eaux côtières : moins de 2 km du bord de mer (1 mile marin)
2bon état chimique : les substances surveillées pour évaluer la qualité chimique sont, en particulier, les pesticides, les métaux lourds, les hydrocarbures, les polychlorobiphényles (PCB), etc.
3bon état écologique : pour évaluer l'état écologique, trois types de paramètres sont mesurés : la présence ou non d’invertébrés, de macroalgues, de phytoplancton de plantes à fleurs ; les éléments de qualité physico-chimique comme par exemple, l’oxygène dissous ; la morphologie de la côte et régime des marées.